Remade, l'histoire de nos collègues normands

Remade, une faillite sur fond de scandale financier

Par Cécile Crouzel – le Figaro.fr

Publié le 25 novembre 2019 à 19:31, mis à jour le 25 novembre 2019 à 19:42

Le tribunal de commerce recevra ce mardi les offres de reprise de cette société de 480 salariés.

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Des salariés reconditionnent des téléphones portables dans l’atelier de Remade, à Poilley, dans la Manche. Marie-Axelle Richard/PHOTOPQR/OUEST FRANCE/MAXPPP

A Poilley, l’entreprise qui reconditionne les téléphones mobiles se développe à grande vitesse.

Ses besoins en recrutement sont importants.

Tout le monde peut postuler.

Démontage, remontage, réparation, emballage. De nombreuses tâches sont réalisées en atelier.

Ouest-france titre : L’entreprise Remade recrute 200 personnes. À Poilley, l’entreprise qui reconditionne les téléphones mobiles augmente ses effectifs.

Mais voila… Tout s’effondre !

Remade va-t-il échapper à la liquidation ?

C’est ce mardi que les offres de reprises de ce spécialiste de téléphonie de seconde main doivent être déposées au tribunal de commerce de Rouen.

L’inquiétude est à son comble pour les 480 salariés.

Soit des repreneurs sérieux se présentent, et le tribunal accorde, jeudi, un délai pour finaliser les offres, soit il prononce la liquidation judiciaire.

Matthieu Millet, le fondateur de la société, a, de son côté, déposé une offre, selon nos informations, qui se traduirait par la reprise de 143 salariés auxquels il donnerait 20% du capital.

Deux autres offres proposent de reprendre respectivement 32 et 20 salariés.

Quoi qu’il en soit, cette procédure se déroule dans un climat délétère. L

Les salariés sont en effet divisés en deux clans, comme les actionnaires, soutiens et détracteurs du fondateur.

C’est la conséquence de la chute abrupte de Remade, entreprise «star» fondée en 2013 par un patron charismatique, et qui a levé plus de 200 millions d’euros auprès d’investisseurs reconnus (ID Invest, LGT…).

La région Normandie a même investi 2 millions d’euros, l’usine de reconditionnement des téléphones étant près d’Avranches.

Nous envisageons de déposer devant le procureur de la République de Coutances une plainte contre X pour abus de bien social, escroquerie, présentation de faux bilan et banqueroute.

Thomas Hollande, avocat du CSE.

La gestion de Matthieu Millet fait aujourd’hui l’objet de lourdes accusations.

Les plus graves, selon un audit du cabinet Syndex commandé par le CSE (comité social et économique), que Le Figaro s’est procuré, portent sur «des facturations de ventes par Remade qui ne correspondent à aucune transaction réelle».

Et ce via une entreprise, Sofidys, qui achetait sans livraison des stocks à la société Remade, puis les revendait à des filiales du groupe Remade.

À lire aussi : Matthieu Millet, PDG de Remade: «J’ai recruté des gens meilleurs que moi»

Selon le rapport, cela a «majoré artificiellement le chiffre d’affaires de 27 millions en 2018» (sur 69 millions de chiffre d’affaires déclarés) et de 8 millions en 2017.

Matthieu Millet conteste: «Pour avoir du cash, Remade a fait du portage de stocks.

Ce système, légal, était connu des actionnaires et le chiffre d’affaires était retraité de cet effet», explique l’entrepreneur, qui a montré au Figaro un document de présentation des résultats à fin avril 2019 où il est écrit «il n’est pas tenu compte (sur le chiffre d’affaires, NDLR) de la facturation Sofidys (3.769.000 euros à fin avril 2019)».

Enquête préliminaire

Pour financer sa croissance rapide, Remade a régulièrement levé de l’argent. Le besoin s’est accru en 2018, à la suite de la stagnation du chiffre d’affaires en 2017 et à des acquisitions malheureuses (Pixmania et Save notamment). En août 2018, la société lève 100 millions de dette auprès du fonds du Liechtenstein LGT, mais 75 millions refinancent de la dette antérieure.

Début 2019, la société est à nouveau à court d’argent. À la suite d’une procédure de conciliation, LGT met 40 millions en fonds propres en juin et prend un peu plus de 50 % du capital. Pour la nouvelle équipe dirigeante – Matthieu Millet n’est plus que président du conseil d’administration -, vu les comptes, le dépôt de bilan a été inévitable.

Pour Matthieu Millet, la faille est autre. «Le protocole de conciliation du 13 juin comporte un rapport, non pas définitif, mais préliminaire de EY chiffrant de façon moins élevée le besoin de cash. Ajouté à la mauvaise gestion commerciale de l’été, le besoin de cash s’avère supérieur de plus de 11 millions au calibrage de la conciliation. Moi-même et d’autres actionnaires n’avons découvert qu’en septembre, lors d’une réunion à Bercy, ce rapport définitif daté du 12 juin.»

À lire aussi : Cent vingt-cinq millions d’euros pour Remade

L’affaire devrait aller au pénal une fois que le tribunal de commerce aura statué. «Nous envisageons de déposer devant le procureur de la République de Coutances une plainte contre X pour abus de bien social, escroquerie, présentation de faux bilan et banqueroute. Les faits révélés par le rapport Syndex, s’ils sont établis, concernent Matthieu Millet mais aussi d’autres actionnaires du groupe, dont certains fonds d’investissement», explique Thomas Hollande, avocat du CSE.

Matthieu Millet et une partie de ses associés ont affiché des croissances records de chiffre d’affaires par des manœuvres frauduleuses

Des élus CFDT et CSE

Selon la presse locale, une enquête préliminaire a été ouverte par ce même procureur. Dans un tract, les élus CFDT du CSE accusent: «Matthieu Millet et une partie de ses associés ont affiché des croissances records de chiffre d’affaires par des manœuvres frauduleuses. Ils ont ainsi pu obtenir de l’argent de la part de différents financeurs. Avec l’arrivée de fonds nouveaux, une partie des actionnaires historiques a engrangé d’importantes plus-values.» «Nous nous battons pour l’activité», souligne Sophia Garcia, secrétaire CFDT du CSE. Je sais sauver Remade», clame de son côté Matthieu Millet.

Comparées à ces accusations, les critiques du CSE sur les rémunérations et frais paraîtraient presque anecdotiques. Comme la location par la société d’une Audi S8 pour 58.600 euros par an, avec dans ce cas des soupçons d’abus de biens sociaux. Tout en étant légaux, les 12.000 euros dépensés par douze personnes lors de la soirée actionnaires au Queen à Paris en choquent aussi beaucoup.

Inquiet pour l’emploi, Bercy suit depuis le début de très près le dossier Remade.


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5 Commentaires

  1. Nos chers actionnaires auraient-ils tiré profit d’un système apparemment similaire à celui-ci ? Je pose la question…
    Dans l’affirmative, encourraient-ils les mêmes conséquences ?
    Je pose encore la question…

    Bon dimanche, la CAT !

  2. Vous avez bien raison !

    “L’ironie est le sourire de l’esprit, la moquerie n’est que sa grimace” Charles Pépin…

    😉

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