La modulation. Késako ?

Les distributeurs l’ignorent parfois, les managers la redoute, l’entreprise l’utilise mais la subit, la modulation permet une flexibilité qui peut s’avérer dangereuse pour l’entreprise et providentielle pour le salarié.

Chaque distributeur, chaque livreur de colis, est titulaire d’un contrat de travail modulé ET annualisé.

Annualisé car le contrat s’analyse sur l’année avec une période qui prend fin à la date anniversaire du contrat (sauf pour les livreur de colis dont la date de fin de période de modulation est fixée au 30 mai).

Modulé car l’entreprise est autorisée à faire travailler son salarié plus ou moins de 33 % de temps chaque mois.

Par exemple, pour un contrat de 10 heures hebdomadaire, le salarié pourrait travailler normalement 43,33 heures par mois mais, du fait de la modulation, peut travailler moins (29 heures mini) ou plus (57,60 maximum).

Si le salarié à travaillé plus (au mois), il est payé au mois le mois de ce dépassement et perçoit donc immédiatement le fruit de ce dépassement.

Si le salarié à travaillé moins, il est payé moins mais avec un “filet de sécurité” qui permet qu’il ne puisse être payé moins de 25 % de la base de son contrat, c’est le minimum garanti.

Toujours, dans le cadre d’un exemple de contrat de 10 heures hebdomadaire soit 43,33 heures par mois, le salarié ne pourra donc pas être rémunéré en dessous de 32,50 heures

Le contrat de travail reste la base de calcul et d’engagement de l’entreprise et du salarié. Chacun se doit de le respecter.

Chaque partie s’engage, l’entreprise à fournir du travail et le salarié à travailler pour le nombre d’heures indiquées.

Voici donc les dispositions de principe qui s’attachent à la modulation des contrats de travail. Dans la pratique, il peut s’avérer que certaines situations particulières se produisent.

L’entreprise n’est pas en capacité de fournir suffisamment de travail :

Dans ce cas, le salarié pourrait se voir imposer des salaires inférieurs de 25% maximum à la base de son contrat pendant certaines périodes. Si ce manque de travail n’est pas compensé par un surplus d’activité avant la date anniversaire du contrat, l’entreprise aura à verser au salarié, le mois suivant, un rappel de salaire correspondant aux heures manquantes.

Exemple : toujours dans notre exemple de situation d’un salarié avec un contrat de 10 heures hebdomadaires. Si l’activité est toujours inférieure de 25% ou plus au volume prévu au contrat, le salarié se verrait déficitaire de 10,83 heures par mois soit 130 heures sur l’année et un montant de rappel à lui verser d’un peu plus de 1300 euros.

Mais l’entreprise use de différents moyens pour éviter de payer ce rappel.

Elle peut vous proposer du travail en plus, et ainsi respecter son engagement contractuel. Soit vous acceptez ce travail et vous serez rémunérés en conséquence et compenserez le manque d’heures de travail, soit vous refusez ce travail et l’entreprise en prendra acte en éditant une feuille de route dite “refusée” dont les heures viendront également compenser le manque de travail évoqué ci-dessus et donc réduire le déficit d’heures.

Toutefois, l’édition d’une feuille de route refusée ne doit pas signifier qu’un secteur vous est attribué juste pour faire réduire artificiellement votre déficit d’heures de travail. Le secteur proposé doit être localisé à proximité de vos secteurs habituels et que vous ayez été prévenu, à l’avance, de la proposition qui vous est faite (délai de prévenance).

A défaut, la feuille de route refusée n’aurait aucune valeur juridique.

L’entreprise vous donne plus de travail que prévu à votre contrat :

Si l’entreprise vous donne plus de travail que prévu à votre contrat, elle doit le faire dans la limite de 33% du volume de votre contrat (mensuel). Ensuite, il est interdit de dépasser ce seuil au risque de se voir en opposition avec les règles d’un contrat à temps partiel.

En effet, un contrat à temps partiel doit permettre au salarié d’effectuer un autre travail afin de compléter son activité. Il faut donc qu’il puisse connaitre les jours et heures ou il devra travailler pour son employeur. Si l’entreprise pouvait dépasser le seuil des 33% sans accord du salarié, ce dernier ne pourrait prévoir une autre activité et serait en fait bloqué pour compléter son activité.

Il serait alors fondé à le faire reconnaître et obtiendrait une requalification de son contrat à temps plein, n’étant pas en capacité de vaquer librement à des occupations personnelles.

La aussi, la loi prévoit cependant des moyens d’aller au dessus de 33%, mais requiert l’accord du salarié.

D’une part, le dispositif de l’accroissement d’activité pour remplacement permet de proposer un secteur de remplacement à un distributeur qui peut l’accepter ou non, sachant que, la aussi, il doit en être prévenu auparavant afin qu’il s’organise. Il n’y a aucune obligation d’accepter surtout si le nombre d’heures déjà effectuée est suffisant au regard du contrat de travail.

D’autre part, en cas d’accroissement temporaire de l’activité, forte activité ou activité inhabituelle, l’employeur peut proposer des missions supplémentaires dans ce cadre, ces heures sont alors payées en dehors du compteur d’heures classique et exclut du dispositif de la modulation.

Dans les deux cas cités ci-dessus, le montant horaire est majoré immédiatement de 12,5% et ces heures apparaissent sur le bulletin de paye avec la mention “prestations additionnelles”.

Que se passe t il en cas de non respect de ses dispositions par l’une ou l’autre des parties ?

Un contrat engage les deux parties. Le salarié à en particulier l’obligation de travailler pour le nombre d’heures prévues.

Si le salarié ne travaille pas ou pas assez, il ne peut le faire que dans la limite des 33% autorisés par le système de modulation.

De même, si l’entreprise déroge au principe de la modulation, elle pourrait se retrouver obligée de requalifier le contrat du salarié.

Comme pour n’importe quel contrat, les dispositions ne peuvent être modifiée qu’avec l’accord des deux parties. Il n’est pas possible de descendre ou de monter le nombre d’heures contractuelles sans signer un avenant.

Avec le système de mesure du temps de travail par la badgeuse, le temps prévu sur la feuille de route est ajustée, après la distribution, en fonction de la réalité du temps travaillé.

Comme chacun sait, les temps théoriques, dit “repères”, sont calculés largement en dessous du temps réel. Une feuille de route prévue pour 10 heures pourra finalement générer 15 ou 20 heures de travail en réalité.

Le compteur d’heures de modulation sera donc amené à évoluer dans des proportions supérieures aux limites légales de 33% et il nous parait dangereux, pour l’entreprise, de laisser subsister des temps théoriques erronés et qui présentent le risque d’ouvrir la voie à des requalifications des contrat de ce fait.

L’entreprise pourrait prendre la décision de calibrer les contrats à la hauteur de la réalité des heures effectuées et mesurées mais ce serait reconnaître l’incohérence des temps théoriques et elle est placée devant un choix compliqué : soit calibrer les contrats au niveau requis, soit continuer à les sous évaluer en connaissance des risques de requalifications.

En conclusion, n’hésitez pas à demander l’édition de votre compteur de modulation et surveillez le. Ne soyez pas gênés pour refuser, le cas échéant, des propositions de secteurs supplémentaires, si vous n’en n’avez pas été prévenu et en cas de doute, faites appel à vos délégués C.A.T. ou utilisez la rubrique d’aides aux salariés pour obtenir un conseil.

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5 Commentaires

  1. Merci beaucoup pour ces excellents commentaires et les explications très concrètes des effets de la modulation du travail par rapport au contrat de travail et à la réalité des heures de travail faites par le distributeur. C’était très instructif.
    J’ai fait l’expérience que les “changements d’heures vers le haut” se font de “façon souple”, sans aucune info ou demande écrite avant – je les ai découverts spontanément sur ma FDR de la semaine accompagnés par une simple phrase de la part du “chef de dépôt”: – Vous aviez dit que normalement vous étiez d’accord avec les heures indiquées sur la FDR, n’est – ce pas ? On compte sur vous – je compte sur vous !
    Ce que je voudrais savoir: Dans quelle mesure est – ce que les congés annuels entrent dans le calcul de la modulation annuelle ?

    • Bonjour,

      Effectivement, la direction d’Adrexo n’exige pas de courrier du salarié quand le contrat est augmenté, l’avenant est proposé directement. Cependant, le salarié doit tout de même le valider ou pas. Il existe des situations ou l’avenant n’est pas montré au salarié mais c’est tout à fait illégal.

      A l’intérieur des fourchettes de modulation (33%), le salarié est dans les limites de son contrat, au dessus ou en dessous, ce n’est plus légal.

      Les congés payés sont calculés soit sur la base des heures du contrat, soit sur la moyenne des heures travaillées. C’est la méthode la plus favorable au salarié qui est retenue. De cette façon, une semaine de congés est intégrée dans le compteur de modulation soit sur la base contractuelle, soit sur la moyenne de manière a ce que le congés n’entraîne pas de période sans heures de travail qui pourrait occasionner un déficit ou un excédent.

  2. Bonjour je suis chauffeur livreur a lisieux j ai plus de 290 heures supplementaires pouvez vous me dire quand je serai payer?les heures ont ete seulement rentrer a partir de la mi janvier par le ccl et (la chef) me letonqueze me dit que je toucherai qu a la date du contrat et que je vais toucher que 650 euros (pas chere de l heure supplementaire) a quoi je dois m attendre merci de me repondre cordialement

    • Bonjour,

      Pour les chauffeurs/livreurs de colis, la modulation s’applique mais votre salaire est également lissé. C’est à dire que vous avez le même salaire chaque mois, même si vous avez dépassé le nombre d’heures prévues.

      Les heures supplémentaires sont versées fin juin, et doivent être le reflet de l’activité de toute l’année (du 1er juin 2018 au 30 mai 2019).

      Vous pouvez demander l’édition de votre fiche d’activité et de votre détail de modulation et faire rectifier si des heures n’ont pas été enregistrées.

      Si cela n’était pas fait, il faudrait le demander à un juge prud’homale et cette démarche impose que vous ayez noté vos heures de travail chaque jour pendant cette période, ce que nous conseillons fortement à tous les livreurs.

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