Arrêt France Télécom : le harcèlement moral institutionalisé

Dans un arrêt très récent la Cour d’Appel de Paris confirme que la société France Télécom a organisé un harcèlement moral contre les salariés de l’entreprise.

Un arrêt intéressant qui porte sur la notion intentionnelle du comportement de l’employeur.

Une méthode managériale aux conséquences anxiogènes, mise en œuvre dans un délai contraint et sans égard pour la situation des salariés, peut dégénérer en harcèlement moral institutionnel, même si les cadres dirigeants n’ont pas manifesté d’intention de nuire, dès lors qu’ils ne pouvaient pas ignorer les effets possibles sur les conditions de travail des salariés.

Dans la situation passée de France Télécom, il s’agissait de changer de modèle à marche forcée en cherchant à alléger drastiquement les effectifs.

La cour d’appel de Paris devait donc déterminer si les dirigeants de France Telecom pouvaient se voir reprocher des faits de harcèlement moral résultant, non pas de leurs relations individuelles avec les salariés, mais de la politique d’entreprise qu’ils avaient conçue et mise en œuvre.

Dans son arrêt du 30 septembre 2022, la cour a validé l’approche retenue par le tribunal correctionnel de Paris dans un premier jugement du 13 décembre 2019 et confirmé les contours de cette notion de harcèlement moral institutionnel.

Se penchant sur l’élément légal de l’infraction de harcèlement moral prévue à l’article 222-33-2 du Code pénal, les juges du fond considèrent que le harcèlement moral peut résulter d’un mode d’organisation ou d’un management qui méconnaît l’obligation de sécurité de l’employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise (voir déjà, en ce sens, Cass. crim. 5-6-2018 n° 17-87.524 F-D ; Cass. crim. 1-9-2020 n° 19-82.532 F-D). Ainsi, les agissements répétés peuvent, selon la cour, résulter de méthodes de gestion ou de management, voire d’une véritable organisation managériale, lesquelles n’avaient pas nécessairement pour objet initial de dégrader les conditions de travail individuelles ou collectives des salariés, mais ont eu cet objet final ou cet effet dans leur mise en œuvre.

Rappelons que la notion de harcèlement individuel est délimitée par des critères assez précis qui sont principalement une organisation volontaire et répétitive des faits détériorant les conditions de travail et ayant un impact sur la santé du ou des salariés visés. Il en est de même quand les salariés visés sont nombreux peu importe que l’employeur soit directement en cause ou qu’il méconnaisse son obligation de sécurité et de prévention des risques.

Par ailleurs, dans le cas de France Télécom, la cour d’appel écarte l’argument selon lequel le délit ne peut pas être constitué, faute de victimes directes des prévenus.

Se fondant notamment sur la décision de la Cour de cassation de 2018 précitée, les juges du fond rappellent que les décisions d’organisation prises dans le cadre professionnel peuvent, dans un contexte particulier, être source d’insécurité permanente pour tout le personnel et devenir alors harcelantes pour certains salariés (Cass. crim. 5-6-2018 n° 17-87.524 F-D). 

Sur l’élément matériel du harcèlement moral, la cour rappelle également qu’il n’est reproché aux prévenus ni les modalités de la réorganisation, le nombre de sites à fermer, les salariés à muter ou à reconvertir, ni encore le nombre de départs ou d’embauches à réaliser pour améliorer la compétitivité de la société, mais bel et bien la méthode utilisée pour y parvenir, qui a excédé très largement le pouvoir normal de direction et de contrôle du chef d’entreprise.

Elle souligne que la crainte de ne pas réaliser ces objectifs principalement financiers a pu décider les dirigeants à instaurer une « politique industrielle de harcèlement moral ». 

Leur principale faute a été de maintenir quoiqu’il en soit les objectifs, qui d’indicatifs sont devenus impératifs, ce qui a été source d’un climat anxiogène pour la totalité du personnel. 

Il s’agissait à l’époque pour France Télécom de réduire considérablement son infrastructure et de réorganiser ses services (par une sous traitance accru par exemple) dans le but de s’adapter au marché des télécom.

Avertissement :

 Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.
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4 Commentaires

  1. Bonjour,
    La société mille anciennement (ADREXO) est spécialiste en la matière…renseignez-vous sur l’agence de ROSNY sur Seine..
    ADX 103, qu’est-ce que l’on à fait à l’ancien RAC , qu’on a lâchement
    Abonné a son triste sort à l’hôpital après un accident de travail non validé par un NP1, on peut parler de la CCL qui a subit un harcèlement constant de la part d’un RAC remplacement à la demande de son NP1…
    Est ce que la Cat c’est penché sur cette histoire…
    J’aimerai avoir leur avis ?

    Cdlt

    • Bonjour,
      Si nous n’avons pas été informé, il y a peu de chance que la CAT se soit penchée sur le problème même si c’est plutôt ici le rôle du C.S.E. que de faire une enquête, mais à priori, il n’a pas été sollicité non plus.

        • Pour le CSE, je ne sais pas, mais ce chiffre est stable depuis 2016. Mais que vient faire le CSE sur ce sujet ?

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